Quand recréer du lien sans se toucher devient l’art du management en entreprise

Le toucher, ce sens essentiel à la survie humaine, aussi en entreprise

J’ai hésité à écrire ce titre, car on peut penser aux connotations péjoratives et aux difficultés d’harcèlement rencontrées en entreprise.

Après réflexion, ce n’est pas le sujet ici. Et il est important d’être claire pour l’aborder en toute simplicité. Appelons donc un chat un chat.

Le sens du toucher est le premier sens à fonctionner chez un bébé in utero. Il commence même à être présent à partir du deuxième mois de grossesse.

C’est dire des répercussions de ces 18 mois passés après le premier confinement : 19% des français souffrent d’un état dépressif, 21% d’un état anxieux et 8,5% ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année. (Source CoviPrev menée par Santé publique France). 

Abordons la sphère de l’entreprise, où le retour en présentiel poursuit peu à peu sa route.

En revanche, la distanciation et l’absence de contacts physiques sont toujours d’actualité et sûrement pendant encore quelques temps.

Un ressenti et des paroles reviennent souvent en consultation : « c’est plus comme avant, c’est bizarre, on se voit mais il y a une limite ». Cette « limite » traduit l’éloignement physique si ce n’est tactile du quotidien.

Le travail, et plus particulièrement l’entreprise est un lieu de socialisation… Et de rencontre. En effet plus de 14% des couples se forment au travail, ce qui en fait une des premières sphères de rencontre.

La mise en place du télétravail, qui à la base était positif et facilitateur de vie s’est transformé peu à peu en isolement forcé. Ce dernier nous a fait prendre conscience de la perte de présence d’autrui.

Par ailleurs, malgré les difficultés et le stress rencontrés, l’entreprise est un facteur de sociabilité et de sécurité. Sécurité dans la mesure où nous sommes intégrés dans un groupe susceptible de nous soutenir en cas de danger.

Les bases du lien et du sentiment d’existence

Alors y a-t-il un ou plusieurs moyens qui permettent de maintenir, d’améliorer et de développer ce fameux sens indispensable aux bien-être des équipes ? 

Fermez les yeux un petit instant, prenez une grande respiration abdominale (en gonflant le ventre comme un ballon) et mettez-vous à l’écoute de votre corps.

Et maintenant penser à un souvenir ou vous avez vécu et ressenti une émotion positive particulièrement forte. Laissez venir à vous ce qui vient de manière instinctive, ne cherchez pas à contrôler. Cela peut être une réussite dans le sport, dans le job, une rencontre, un regard, une expérience, une recette réussie etc…

Maintenant reconnectez-vous aux sensations corporelles que ce souvenir vous procure. Et prenez le temps de repérer quelles zones corporelles réagissent et quelles sont vos sensations. Notez-les sur un carnet ou sur une feuille.

Combien en avez-vous ? Quelles émotions spécifiques sont ressorties ?

Vous avez sûrement été « touché » par ce souvenir. Le vecteur de cette sensation : les émotions ressenties !

Après cette petite expérience, quelles seraient par conséquent les solutions pour vous permettre de recréer voire d’accroître le lien de vos équipes ?

 

Les émotions associées au sentiment d’appartenance

Dans un premier temps, les relations d’appartenance peuvent se définir comme étant un partage entre plusieurs individus de valeurs, d’objectifs et de croyances communes.

Ces intérêts partagés vont créer une communauté, un ensemble qui impose un engagement vis-à-vis de ce groupe. La reconnaissance de notre appartenance auprès de certains groupes (exemple appartenance à une entreprise) et par d’autres groupes (exemple les entreprises concurrentes, le marché du travail) participent au maintien du support de l’identité et au sentiment d’exister. Cela suppose tout de même engagement et réciprocité vis-à-vis de ce groupe.

Si vous souhaitez explorer et comprendre comment se construit le sentiment s’exister, le livre de Robert Neuburger, « Exister » vous aidera dans cette compréhension.

Depuis les derniers confinements, un certain nombre de collaborateurs se sont sentis isolés, seuls et coupés de leur groupe d’appartenance (équipe de travail). À travers le téléphone ou la visio, les regards et les touchés type accolade, serrage de main, pause-café et déjeuner en commun ont complètement disparu. Et ces absences contribuent à ce sentiment de perte.

Deuxièmement, pour comprendre la dimension émotionnelle, il est important de définir ce qu’est une émotion.

Une émotion est une réponse physiologique à une stimulation. Sa fonction est de produire une réaction spécifique à une situation précise. Elle se manifeste en trois temps :

  • Premièrement : la charge, qui se manifeste par une agression extérieure (positive ou négative) et qui s’exprime à travers une sensation (à travers nos cinq sens), une pensée, une émotion ou un souvenir.
  • Deuxièmement : la phase de tension, qui mobilise l’ensemble du corps.
  • Troisièmement : la phase de décharge qui libère cette énergie pour retrouver un état stable.
 

C’est précisément lorsque cette tension n’est pas libérée et conservée que le corps garde en mémoire des tensions, des douleurs et parfois des maladies.

La fameuse phrase « ce qui ne s’exprime pas s’imprime » prend ici toute sa dimension.

Maintenir le lien dans le quotidien

Dans l’entreprise, l’idée est donc de créer, d’accroître et de maintenir un niveau d’appartenance et d’échanges d’émotions positives pour rester dans un cercle vertueux de qualité de vie et de bien-être au travail… Qui sont en effet des  générateurs de business.

Ne l’oublions pas, des salariés heureux seront plus investis car tout simplement reconnus au sein de leur groupe et de leur hiérarchie et par conséquent plus productifs :

  • Aux Etats-Unis, une étude de 2020 révèle que les équipes dans lesquelles les membres sont très impliqués sont plus productives et 21 % plus rentables. Par ailleurs, elles interagissent plus avec leurs clients et ces derniers leur sont plus fidèles. (Source : Gallup)

A noter, ces améliorations de la QVT sont également associées à des modifications de management, davantage tournées sur du coaching et dont les rapports hiérarchiques ne freinent pas l’ascension à des postes plus élevés.

Par conséquent, le développement d’émotions saines et positives s’avère être nécessaire voire un indicateur de santé de l’entreprise.

Quelles émotions sont à privilégier ?

Dans le large panel des émotions positives, nous pouvons citer :

La compassion, qui est une attitude à percevoir la souffrance d’autrui. Elle induit par conséquent des dialogues, une écoute active et de l’empathie relationnelle et émotionnelle.

La gratitude, qui implique une reconnaissance face à un service ou un bienfait reçu. Elle peut s’inscrire dans la suite logique d’un management fondé sur l’écoute, les échanges et la bienveillance.

La valorisation quotidienne type mise en avant de qualité spécifique d’un collaborateur, message d’encouragement, présence active. Ces petites phrases ont un fort impact sur la place et la considération d’un individu, sur sa confiance et estime d’elle-même. 

La générosité, qui permet d’augmenter le sentiment de bien-être au travail. Don de RTT, aide sur un dossier en particulier, participation à une cagnotte à la suite d’un départ d’un salarié etc… En effet, en choisissant d’être généreux, on se distingue par son action autonome, ce qui participe au sens que l’on peut donner à son existence.

Le sentiment d’appartenance auprès d’une entreprise dont les managers écoutent, dialoguent et trouvent des solutions en rapport aux problématiques humaines de leur équipe. Comme vu auparavant, ce sentiment est capital. Et clairement un facteur attractif de futurs candidats à l’embauche.

Comment s'organiser dans le quotidien ?

Dans un premier temps, ce sont de petites modifications organisationnelles qui vont enclencher le processus de changement.

En effet plusieurs solutions existent comme modifier le format des réunions par la mise en place d’afterwork. Ou bien de les proposer dans un format plus dynamique et dans des atmosphères propices aux échanges (type table haute, canapé avec table à disposition, accès libre aux boissons).

Il est également possible de remplacer la traditionnelle salle de réunion par un petit déjeuner en mode briefing, des plateaux repas pour le déjeuner à emporter dans le parc d’à côté, des barbecues communs à tous les services etc…

L’objectif de ces aménagements : rassembler, communiquer et partager.  Il est nécessaire de recréer un véritable lien physique pour dynamiser et sécuriser davantage les relations et générer des opportunités. 

Qui n’a pas appris la victoire d’un appel d’offre ou la réussite d’un ISO qualité autour de la machine à café ?! C’est également dans ces zones d’échanges que certains collaborateurs font part de leur problème et de leur difficulté.

Ensuite, il est important de repérer les salariés en souffrance, de comprendre et d’identifier les différents panels des émotions, de trouver le juste positionnement par rapport à son équipe et à sa hiérarchie. 

Pourquoi ? Tout simplement pour être toujours conscient de ce qui se joue au niveau relationnel dans ses équipes et engager vos collaborateurs dans une dynamique de bien-être et de réussite.

Quid des émotions négatives ?

Elles sont là aussi, et toutes aussi légitimes. En revanche, elles ne doivent pas isoler ou accentuer davantage un sentiment négatif, et encore moins dans un groupe. 

L’isolement a été brutal, long et répété. L’intérêt sera de recréer cette connexion de manière douce et progressive. Cette crise a été particulièrement éprouvante pour les personnes ayant une névrose obsessionnelle et qui souffraient déjà d’un tabou du touché. La peur de contacter le virus est toujours présente. Il sera donc capital de repérer les signes de ce mal-être et de proposer un retour sécure à leur poste de travail. D’autant plus que ces personnes ont largement contribué à faire reculer la propagation du virus de part la mise en place de gestes barrière et de désinfection régulière. Accueillir leur questionnement et inquiétude sera ici capital pour leur permettre un retour en douceur et bien vécu.

Il en est de même au sujet de l’indifférence qui peut être ressenti face à certains types de management et de comportement. En effet, cette dernière peut faire des ravages psychologiques, notamment lorsqu’elle vient réveiller une blessure d’abandon. Cette souffrance s’installe généralement durant l’enfance, et peut se traduire par un manque de confiance, une soif de reconnaissance et des rapports relationnels soumis à la dépendance. Ce n’est pas étonnant de remarquer le comportement d’un collaborateur changer voire se détériorer lorsque celui-ci perd tout contact privilégié et n’est plus informé des dernières nouvelles. D’autant plus avec la mise en place de visio qui augmente davantage la distance et limite le partage d’informations « informelles ».

En résumé...

En qualité de Manager, vous êtes le socle de l’équipe et de l’ambiance qui y règne.

  • Plus vous accorderez de l’attention saine à vos équipes, plus les personnes se sentiront considérées, valables et plus vous serez dans un cercle vertueux d’échanges et de productivité.
  • Les relations d’appartenance font partie du socle du sentiment d’existence, lui-même facteur du sentiment de dignité d’une personne. 

Au-delà du potentiel de productivité à accroître, ce type de management vise à limiter l’épuisement mental et émotionnelEn effet, un salarié écouté, avec une fonction reconnue, et dont le manager fait preuve d’émotions positives à son égard se sentira valorisé, reconnu et respecté.

N’oublions pas que les premiers symptômes du burn-out commencent par un déni de la situation associé à un sentiment de culpabilité et de honte. Et que derrière une dépression, se cache souvent une rage, « une colère intériorisée » pour reprendre la définition de Judith Viorst dans son ouvrage « Les renoncements nécessaires ».

D’où l’importance de savoir repérer les zones de fragilités de vos collaborateurs (émotionnelles, psychiques et environnementale), comment les accueillir et si besoin, réadapter leur poste de travail.

Pour en savoir plus sur le burn-out, cliquez ici.

Dernière étape : passer à l'action !

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